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Les Folies d'Aurélie
9 janvier 2014

Yanis

il y a des billets qui sont toujours plus durs à écrire que d'autres. On les tourne et retourne, on les écrit dans un coin de sa tête, on revient sur ses phrases. J'ai mis plus de 2 mois à écrire celui là.

Après tout, raconter les péripéties de mon quotidien, en rajouter des tonnes dans les adjectifs pour faire rire, il ne faut clairement pas avoir fait philo pour savoir le faire. Et heureusement d'ailleurs, car vu la note que je me suis payée en philo avec un bac littéraire de surcroît, autant vous dire que ce blog n'aurait jamais vu le jour !

Mais il y a des billets plus intimes, plus vrais, où on ne peut pas se cacher derrière l'espèce de masque de clown qu'on s'est créé. Parce que là, même avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas en rire. Et dieu sait que je dis souvent qu'on peut rire de beaucoup de choses. 

Je me souviens d'un article de Laurence, il y a quelques années, qui nous confiait la découverte de la dyslexie de son fils. Et je me souviens avoir été touchée par ce message. Laurence qui, à travers son blog, est si pudique, qui délivre son quotdien au compte goutte avec ses belles photos, ça ne devait pas être facile de confier ses angoisses sur son blog, j'avais trouvé ça courageux.

J'imaginais que des mamans lisaient ce billet, des mamans qui avaient peut-être des doutes sur leurs enfants. Et grâce à ce billet, peut-être qu'elles avaient eu des débuts de réponses. " Peut-être que c''est "ça" ". Ce sentiment que quelque chose ne va pas mais on ne sait pas quoi. On voit les signes annonciateurs mais on se les cache, parce que ça fait peur.

En retour, Laurence aurait des témoignages de mamans qui ont des enfants avec ce trouble, et peut-être que ça lui apporterait du réconfort. Je n'aurais jamais crû qu'un jour, je serais dans sa position...

Je vous ai souvent parlé de Yanis et de ses frasques. J'en rigole, j'en fais des blagues, en me disant quels bons souvenirs nous aurons à raconter plus tard...

Sa première année passée, j'ai senti que Yanis était diffèrent de son frère. J'ai mis ça sur le compte du congé parental. Lucas a été en nourrice dés 6 mois, Yanis est quasiment resté 3 ans 24h/24 avec moi, hormis quelques mois avant notre emménagement ici où je le mettais dans la halte garderie 2 matins par semaine.

Lucas est calme, posé, ordonné, il mange de tout.

Yanis est speed, inconscient du danger, parfois colérique, les repas sont compliqués (de moins en moins, il faut le noter :)).

Comme 1 + 1 = 2, l'explication était logique: c'était ma faute. Je n'avais pas su m'occuper de lui. J'étais une mauvaise mère. Et le regard des gens face au comportement de Yanis, leurs sourcils levés au ciel, leurs "il est caractériel", ne faisaient que renforcer mon sentiment d'échec. Je ne savais pas m'y prendre avec mon fils et on me le faisait savoir...

Dans ces cas là, ces mêmes personnes se retrouvent du jour au lendemain avec un doctorat de médecine/pédopsy. On m'a tout dit: qu'il était "speed", voir "hyperactif" par exemple. Mais je savais que ce n'était pas ça. Yanis a parfois du mal à tenir en place mais si un dessin animé lui plait, il peut rester 1h30 sans bouger d'un pouce.

Mais bon, je gardais espoir et je me disais que l'entrée à l'école allait l'aider, il serait avec d'autres enfants, ça lui plairait et ça l'aiderait à grandir.

Il est rentré à l'école et on a clairement fait le constat que Yanis avait un retard du langage. Tous les jours avec lui, je ne m'en rendais pas vraiment compte car nous nous comprenions sans mots. Mais avec les autres enfants en comparaison, c'était flagrant.

Du coup, il était frustré de ne pouvoir s'exprimer comme ses camarades, qui eux ne le comprenaient pas, et parfois, il se battait avec eux. On a commencé les séances de pédopsy et d'orthophonie. Il y a eu du mieux mais tout de même, ce n'était pas encore ça. On avait encore beaucoup de mal à le canaliser. 

Je me souviens de la psychologue scolaire qui m'a dit que Yanis avait une grande intelligence, sur certains points comme la logique, il était même au-dessus des autres enfants. Mais le fait qu'il aie ce retard de langage et qu'il soit auto-centré sur lui-même, le frustrait: de ce fait, il se braquait et refusait de faire certaines activités. 

Tout s'arrangerait avec l'apprentissage du langage... On avait bon espoir alors.

Mais les mois passaient et tout ne pouvait s'expliquer par ce retard de langage. J'entendais "trouble du comportements", "bulle imaginaire", "auto-centré sur lui même", "grande angoisse". Des grandes phrases de psy. Mais c'est abstrait tout ça ! Qu'avais-je fais ? Est ce que je l'ai trop couvé? Ou au contraire, est ce que je l'ai délaissé? 

 Et maintenant, comment devait-on se comporter ? Être plus dur avec lui ou au contraire, l'épauler encore plus?

Tout s'est accentué depuis la rentrée scolaire de cette année, en grande section de maternelle. Yanis ayant besoin d'une routine carrée, le fait que, par intermittence ce soit son père ou moi qui l'emmènions à l'école le matin et le récupérerions le soir, ça ne lui convient pas. J'ai arrêté de travailler et désormais, je l'emmène et vais le chercher. C'est cadré, tout va bien.

Mais ces derniers temps, j'avais certains doutes. Des symptômes. Des comportements. Je crois que je savais mais j'avais peur de l'entendre.

Il y a quelques semaines, nous avons eu notre entretien avec le directeur du CAMSPS. Ça y est, enfin, Yanis va être pris en charge par une structure, pour tous ses besoins médicaux. Finie les virées à droite à gauche pour voir le psy, l'orthophoniste, ... tout se fera le mercredi après-midi, en dehors du temps scolaire.

Lors de cet entretien, j'ai exposé mes doutes au directeur et j'ai posé LA question, car j'avais une idée précise sur ce qu'avait mon fils. J'avais lu des choses. Et enfin, après des années de doutes, après 1 an et demi de pédopsy qui ne nous donnait pas d'explications claires, une personne m'a enfin répondu sur ce que j'imaginais mais que je redoutais tant :

Oui, Yanis a des comportements autistiques légers.

Pour moi, au début, ce ne fut pas un choc, mais un soulagement quelque part. Car enfin je savais. Enfin j'avais un nom sur son mal être

Et puis, j'avais perçu quelques signes:

Quand vous interrogez Yanis sur un sujet qui lui plaît, il va venir vous parler, ou vous répondre, en vous regardant droit dans les yeux. Mais si vous venez lui parler d'un sujet qui ne l'intéresse pas ou qu'il n'a pas envie à ce moment là, il est impossible de communiquer avec lui. Il ne me regarde pas dans les yeux, il me parle d'autre chose. Si je le force à me regarder pour qu'il entende, il trépigne, il bouge la tête, fait des grimaces, se roule par terre.

Parfois je lui parle, il me regarde et je vois dans ses yeux qu'il est ailleurs. Si je lui demande de répéter ce que je viens de dire, il en est incapable.

J'ai toujours eu la sensation que pour lui, le monde tournait autour de sa personne, qu'il n'avait pas conscience du besoin des autres. Il était le centre du monde. Et il ne comprend pas qu'on ne soit pas à son entière disposition. Si je suis en train de faire quelque chose, il va me demande 10 fois de suite de venir. Et c'est seulement quand je vais hausser le ton qu'il va comprendre que non, il va falloir qu'il attende. Mais il reviendra à la charge un peu plus tard... 

Il a du mal à interagir avec les autres, il n'a pas la "retenue sociale" qu'on a  vis-à-vis d'autrui. Il va serrer fort les enfants pour leur faire des câlins, les embrasser, les forcer dans ses démonstrations d'affection. Il interrompt sans arrêt, lire un livre relève parfois du combat car il coupe sans arrêt la parole, tourne les pages selon son envie.

Si la maîtresse fait une activité de groupe, comme lire une histoire, il va vouloir monopoliser l'attention de celle ci, être le seul à parler, parfois de choses qui n'ont rien à voir avec le sujet traité. Du coup, il pénalise la classe et se met les autres à dos. Et le pire c'est que j'ai beau lui expliquer que la maîtresse a 25 enfants et qu'elle ne peut pas s'occuper que de lui, il me dit que oui il comprend mais je sens que ce n'est pas intégré.

Parfois, il est dans son monde. Et agit en pensant y être. Une fois, il a regardé un dessin animé, il y avait des "méchants", il a rayé toute la télévision pour les attaquer. Et il ne comprenait pas pourquoi je le grondais puisqu'il attaquait les méchants, c'était logique pour lui.

Yanis n'a aucune conscience du danger, ni des conséquences de ses actes. Il a une excellente motricité, bien au dessus de son age, mais il est capable de sauter de 2 mètres de haut, il ne se doute pas qu'il peut se faire du mal.

Bref, toutes sortes de choses qui m'avaient mis la puce à l'oreillle. C'est vrai que si on voit un symptômes isolé, on se dit bon, c'est un enfant speed. Ou alors c'est une tête de mule.

5 ans que je vois le regard des gens sur moi dans les magasins, à la sortie de l'école primaire quand je suis avec Yanis et qu'on attend son frère. Yanis ne tient en place, je dois courir après lui sans arrêt. Et les autres me regardent avec cet air compatissant, avec pitié parfois, ou encore avec cet air de "elle sait pas éduquer son fils". Dans ma famille, on se raconte les dernières frasques de Yanis, en se disant qu'il est vraiment ingérable. Et je ne dis rien et j'encaisse. Parce qu'aprés tout, peut-être que c'était ma faute tout ça.

Maintenant, je sais que ça ne l'est pas. Et je le dis.

Les gens ont parfois des doutes quand je leur parle des troubles autistiques de Yanis. Quand on entend ce mot, on pense à "Rain Man", on pense à un enfant prostré sur lui-même, qui ne fait attention à rien autour de lui, qui se parle tout seul, qui peut parfois être obsédé par une chose et va faire une crise si on l'empêche de faire ce qu'il aime. Ce n'est pas le cas de Yanis.

Mais il y a différentes formes et différents degrés d'autisme. Certes, il est auto-centré sur lui-même à un certain degré, mais il n'est pas coincé dans son monde. 

A la sortie de ce rendez-vous, j'ai pleuré de soulagement. Enfin j'avais un nom, j'avais une cause. Je savais ce qu'il avait et j'allais pouvoir agir en conséquence. Les jours qui ont suivis, j'ai alterné entre cette sensation d'euphorie et une effroyable peur. Oui j'avais une direction, mais quelle était le chemin pour y aller? Que sera notre quotidien, quel sera son avenir ? Heureusement, le CAMSPS prévoit aussi des temps d'aide à la fonction parentale pour justement nous aider dans notre rôle de parents.

Je suis dans toutes les démarches. Une demande diagnostic auprès du CRA de Tours, assez réputé nationalement, 1 an de délai... Une demande pour une AVS (une personne qui sera avec lui en classe) car il est impossible d'envisager le CP pour Yanis seul, l'année prochaine.

La volonté que son handicap soit reconnu, que ce soit écrit noir sur blanc et son degré, car on a besoin de savoir. Désormais, les blogs couture ou beauté sont remplacés par des recherches frénétiques sur tout ce qui touche à l'autisme. Mais bien souvent, je ne trouve pas grand chose car on trouve surtout des articles sur l'autisme sévère, ce qui n'est pas du tout le cas de Yanis. Son autisme va se traduire par des petites choses de son quotidien mais Yanis, par exemple, est ouvert, très sociable, il s'exprime très bien.... Souvent, il peut se montrer calme et on ne soupçonnerait rien.

J'ai longtemps hésité à écrire ce billet. C'est tellement personnel. Mais peut-être que si j'avais lu ce genre d'article un jour, j'aurais sû plutôt pour Yanis, j'aurais posé les bonnes questions bien avant. Alors tant pis, je me lance, peut-être que celà pourra vous aider, qui sait ?

Et si jamais votre enfant est atteint de cette forme de handicap, si vous connaissez de bons sites, de bons bouquins à lire, n'hésitez pas à me contacter sous les commentaires ou par "me contacter "en haut à gauche, je suis avide de toute sorte d'informations.

/1

édit du 09-05-2014: depuis ce billet, le trouble de Yanis a été rediagnostiqué: Aprés avoir passé du temps avec le pédopsy du CAMSPS et son équipe, ils ont revu leur jugement et le trouble est moins "important" qu'il nous semblait. Yanis est atteint d'une "dysharmonie évolutive", qui est un trouble de comportement social:

Il est du mal à interagir en société et ne sait pas forcément comment se comporter avec les autres. De plus c'est un enfant angoissé qui a peur qu'on l'abandonne, qui a besoin d'avoir un cadre mais en même temps qui lutte contre ce cadre...

Avec l'aide du centre mais surtout grâce à la microkiné, Yanis a fait énormément de progrès depuis 2 mois. A tel point que nous l'avons inscrit au CP. J'ai fait une demande d'auxiliaire de vis scolaire, j'espère qu'elle sera acceptée. 

Le quotidien est bien plus simple. Il y a encore de petits réglages mais Yanis accomplit désormais des choses qui nous semblait complétement inenviseagable il y a encore 1 an. Le fait de se sentir compris, pris en charge par le centre avec des spécialistes et, je le répéte, la micro-kiné, ont changé notre quotidien. 

Alors n'abandonnez pas, même quand vous avez l'impression que vous n'y arrivez plus. Ne lachez rien, il y aura une éclaircie !!

 

Edit 2015: La vie n'est pas un long fleuve tranquille, vous le saviez ?? en mai 2015, nous avons changé de psy au CMPP (le CAMPS aprés 6ans) et nous sommes tombé sur une femme charmante qui nous a beaucoup écouté et soutenu. Elle nous a donné un piste pour Yanis: le TDAH, trouble du déficit de l'attention et de l'hyperactivité, avec en plus l'impulsvité pour Yanis. Je n'y croyais pas, car on m'avait assuré que yanis n'était pas hyepr actif. Et j'avais en tête que l'hyperactivité,c'était de bouger sans arrêt. Et Yanis pouvait avoir de longs moments de pause.

j'ai lu ce livre:

http://www.amazon.fr/gp/product/B00TECOQRS?psc=1&redirect=true&ref_=oh_aui_d_detailpage_o06_

Et c'était Yanis en tout point. Depuis mai 2015, il est sous concerta, un dérivé de Ritaline. Et sa vie, notre vie, a changé... J'étais contre la médication, mais nous étions à un point ou il fallait tout tenter, car il était malheureux, rejetter par ses camarades. Nous voyons une belle lumière au bout du tunnel, et c'est fou comme ça fait du bien !

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Commentaires
C
Bravo à vous!! moi mon fils ressemble au votre.depuis l'entrée à l'école c'est la cata.<br /> <br /> ne tiens pas en place, ne reste pas concentré, a du mal à se faire des amis.<br /> <br /> du coup avs depuis la moyenne section, suivi SESSAD depuis la gde section. et cette année CE1 on me dis qu'il a de grosse angoisses, il est sous risperdal, mais on ne m'a jamais rien dit de ce qu'il avait.toujours du mal à se concentrer et à être en groupe. c'est difficile de trouver quelqu'un qui puisse poser un diagnostic juste.
M
Aurelie, j avoue reconnaitre mon fils de 3 ans/ peux tu me donner le nom du livre et adresse microkine ? Merci
C
bonjour , je fais des passage de temps en temps sur votre blog et d'autre, Je n'évade du présent qui parfois est difficile . J 'ai un de mes garçons qui est multiDYS (dyspraxie visio-spatial (tda) , dyscalculie..). Pour pouvoir obtenir une AVS il vous faut monter un dossier auprès de votre (MDPH) . Vous pouvez vous tourner auprès association ,qui sont là pour aider . <br /> <br /> Je peux peux vous aiguiller pour d'autre conseil , par mail ou tél .<br /> <br /> courage à vous et à votre famille
C
bonjour , je fais des passage de temps en temps sur votre blog et d'autre, Je n'évade du présent qui parfois est difficile . J 'ai un de mes garçons qui est multiDYS (dyspraxie visio-spatial (tda) , dyscalculie..). Pour pouvoir obtenir une AVS il vous faut monter un dossier auprès de votre (MDPH) . Vous pouvez vous tourner auprès association ,qui sont là pour aider . <br /> <br /> Je peux peux vous aiguiller pour d'autre conseil , par mail ou tél .<br /> <br /> courage à vous et à votre famille
N
coucou, je me permets de laisser un petit commentaire. <br /> <br /> En lisant cet article je me suis tout de suite identifiée: mon fils Rayan a également été diagnostiqué comme ayant un "leger autisme" TED" "troubles autistiques".<br /> <br /> Ca faisait un moment que je le sentais diffèrent, a vrai dire depuis ses 18mois. mais les médecins et pédiatres me disaient de ne pas m'inquiéter, que chaque enfant évoluait a son rythme. donc j'ai laissé courir. Ca devenait de plus en plus dur avec lui. Il faisait des crises tout le temps, avait de "droles" de comportement comme faire rouler entre ses doigts des petit bout de poussiere, de tissus..... il ne jouait pas, il ne savait pas. Il alignait seulment ses jouets dans sa chambre, par taille et par couleur. il ne nous regardait pas dans les yeux, il ne parlais pas. J'etais une jeune maman celibataire et autant vous dire que cette periode reste tres douloureuse pour moi car forcement tout était de ma faute. on me reprochait de ne pas savoir elever mon fils.... Tout s'est declaré a sa rentrée en maternelle ou la on voyait nettement la difference entre lui et les autres. Le medecin scolaire ma conseillé d'aller au CAMPS et la tout s'est enchainé tres vite. Il a été admis en hôpital de jour a mi-temps avec l'ecole. Il a fait des progres immenses. Quelque mois plus tard le diagnostic est tombé. Sur le coup ca ma mis une frappe, mais en faite je l'ai vecu comme un "soulagement". Enfin!!!!!! Il etait enfin reconnu. Aujourd'hui il va feter ses 9ans. Il est inscrit en cliss ted et toujours a l'hôpital de jour. Entre temps il a eu 3 petits freres qui l'ont beaucoup aidé a le faire grandir de par les responsabilités que ca lui donne. Je suis tellement fière de lui (et de moi ;) ). Je vous souhaite plein de courage car c'est un combat de tous les jours. :) :)
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